6h20 de marche (pause comprise), dénivelé -980/+130, altitude maxi 5125m.
Au petit matin, donc vers 5h30, sous tente il fait 4°C, le temps est bouché, le brouillard monte de la vallée, mais le col est encore visible. Il fait froid, nous mettons nos vestes de pluie en plus de notre softshell, à 7h15, au moment du départ il fait 0°C. Le temps de montée est évalué à 45 min, c'est court mais ce sera raide. Au court de la montée, un groupe de chercheurs de champignons-chenilles nous dépasse, joyeusement, et certains d'entre eux nous attendrons même au sommet.
Arrivés en haut, comme à chaque rencontre avec les Dolpo-pa, nous sommes observés, dévisagés. On les sent intrigués par ces touristes qui pénètrent dans leur monde. Ce sont pour la plupart des réfugiés tibétains, qui vivent en autarcie, repliés sur eux-mêmes, menant une vie rudimentaire et donc nous sommes pour eux un sujet d’étonnement.
C’est le premier voyage où nous ne rencontrons aucun touriste pendant 18 jours, où l’essentiel de la vie est tournée sur les besoins vitaux, le tourisme n’a pas fait de percée comme dans les Annapurnas et donc on est au contact d’une vie authentique. C’est une approche certes un peu difficile pour nous, car durant le trek, nous menons une vie dépouillée bien qu’encadrée par l’équipe mais c’est une expérience unique, où l’on va au fond de soi. Il n’y a ni boutique, ni artisanat, ni commodités pour distraire notre esprit et cela bien sûr permet de s’interroger sur les questions existentielles : le bonheur ? le consumérisme ? les relations humaines, l’individualisme des hommes riches, la solidarité des hommes en pays rude ?
Le col est atteint en 40 min, on est à 5125 m et il fait -1°C. Le 4ème et dernier col de notre trek est vaincu, notre challenge a été relevé avec succès. Je suis content, pour ma part les grosses souffrances sont terminées, j'ai tenu le coup moralement et physiquement, même si sur ce dernier point cela a été dur pour passer chaque col.
Séance photos obligatoire pour ce dernier col, et nous commençons notre descente vers Dho. Le paysage est toujours aussi minéral, et pauvre en végétation, nous voyons une nouvelle fois, mais au loin, des troupeaux de Yacks qui paissent sur les hauteurs, nous traverserons également un campement de tentes et croiserons des troupeaux de moutons et de cavaliers.
Avant la pause déjeuner, nous marcherons 4h avant de nous arrêter, nous commençons à trouver la descente monotone et ennuyeuse. Heureusement après la pause déjeuner nous traverserons plusieurs villages ou hameaux, je ne sais comment les nommer, qui rendront notre marche plus agréable. Les constructions en pierre sont vraiment traditionnelles avec les toits plats en terrasse et des branchages disposés en muret. Les fenêtres assez grandes, en bois richement sculptées et colorées.
Et toujours autant de drapeaux à prières multicolores attachés à des poteaux ou à des cordes qui joignent parfois deux collines. Toutes ces prières flottent au vent. La piété est un phénomène d’une large ampleur. Tout au long du trek nous admirerons des manis (pierres gravées avec des mantras) amoncelées en un mur, aussi appelé mendan, que l'on contourne par la gauche. Le fait de longer le mur mani revient à réciter les prières qui y sont inscrites. Nous croiseront également moult chörtens (stupa en sanskrit : terme tibétain désignant un monument bouddhique renfermant des reliques ou des textes sacrés ayant pour effet de sanctifier et de protéger les lieux où ils sont érigés ; les chortens doivent être contournés par la gauche) qui rappelle que l’on est en terre bouddhique. On a eu même une fois des moulins à prières qui tournaient en permanence actionnés par le cours d’eau d’une rivière. Toute la nature semble chuchoter des prières.
Les lamas sont des hommes puissants, respectés, et même si de nombreux monastères ont disparu, la vie est profondément ancrée dans le sacré. Les lamas sont des maîtres spirituels qui ont accédé à une grande connaissance.




Le temps est toujours couvert, avec parfois quelques éclaircies, mais un peu avant d'arriver à Dho, nous essuierons une petite averse courte, mais qui nous oblige à mettre nos vestes de pluie.
Dho est un village sale, et on ne s'y sent pas bien. Krishna, d'ailleurs, a décidé de lui-même d'annuler la deuxième journée qu'on devait passer à cet endroit. Nous acquiesçons tous sa décision. Nous pouvons, cependant, faire recharger batteries et iPad dans une épicerie tenue par un homme du même village d'origine que notre guide Karma. Il nous demandera 250 rs (2,27€) pour 3h de charge. Du coup, mon iPad qui n'avait plus que 20% de charge se retrouve avec 100%, je pourrai terminer d'écrire le trek sans avoir recours au papier, ouf. Le vent souffle, mais il ne fait pas trop froid, 12°C en fin de journée.
Nous ne verrons que très peu de gens mais cependant une scène de vie, qui fait réfléchir : une femme âgée habite en haut du village et va chercher l’eau à la rivière dans un bidon qu’elle porte sur le dos, elle grimpe courbée, lentement et renouvellera cette opération une deuxième fois. Ces gens mènent une vie vraiment rude, la mortalité y est importante. Et la mort ne touche pas que les humains, un animal mort au bord de la rivière fait le festin des vautours qui volent au-dessus de nos tentes, leur envergure est impressionnante. Ce sont ces mêmes vautours qui sont des animaux sacrés pour cette population qui se jettent sur les morceaux des morts dépecés lors des funérailles célestes traditionnelles.


